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« On ne conduit le peuple qu'en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d'espérance.»
Napoléon Bonaparte

dimanche 17 novembre 2013

La richesse, croissance historique et zones géographiques

Croissance, un mot qui revient constamment dans la bouche des dirigeants politiques, des économistes, des financiers, des journalistes… un mot à la mode depuis quelques années. Après des années de croissance, les pays les plus développés, dont la France, ont désormais une économie morose et une croissance en berne. Etant donné que pour la majorité des gens (et la majorité des théories) la croissance est indispensable il apparaît dans les média les termes aberrants de « croissance négative », « recule de la croissance »…

En dehors des pays développés, où la croissance semble faire place depuis quelques années à une stagnation économique, on trouve des pays et des continents où la croissance n’est pas une chimère mais une réalité. Est-ce une différence structurelle ? Culturelle ? Un simple déphasage ?

Quel est la réalité de la croissance à l’échelle de l’histoire ? L’humanité génère-t-elle toujours la croissance où est-ce un phénomène passager du à l’industrialisation ?

Pour apporter des éléments de réponse j’ai choisi d’utiliser les travaux de A. Maddison dont les écrits font référence dans le milieu de l’historiographie économique. Il a étudié la richesse du monde, pays par pays, depuis l’an 0 (naissance de Jésus Christ) jusqu’à nos jours en se basant sur l’indice bien connu qu’est le PIB (Produit Intérieur Brut) en s’affranchissant des variations de valeurs en utilisant comme unité le Dollar Geary-Khamis. On utilisera le PIB brut ou rapporté à la population des dites zone géographiques..

Prenons le PIB mondial sur les 2000 dernières années (Figure 1) : la croissance est sans aucun doute exponentielle. Cette figure amène plusieurs questions :
  • Comment se réparti la richesse en pays/continents ?
  • Que s’est-il passé avant l’année 1600 ? PIB stable, croissance linéaire ?
  • Quel est l’élément déclencheur entre 1000 et 1600 qui explique la forte croissance qui suit ?
  • Tous les en pays/continents suivent ils la même courbe ?
  • Cette croissance a-t-elle une fin ou alors va-t-on poursuivre cette courbe exponentielle ?

Fig. 1 : évolution du PIB mondial de l'an 0 à 2006.

Laissons de côté cette dernière question, nous l’aborderons à une autre occasion, pour nous focaliser sur les autres. Regardons premièrement comment évolue la richesse zone par zone avant 1800 (Figure 2, graphe de gauche). On remarque la domination des deux géants asiatiques : Chine et Inde, portés par leur forte démographie et leur grande superficie. L’Europe de l’Ouest est encore dominée par Rome au début du Ier millénaire, la chute de cet empire explique la récession, ou croissance négative (sic), avant l’an 1000. On observe ensuite une forte expansion qui porte le PIB de l’Ouest Européen au même niveau que la Chine et l’Inde. La croissance africaine est bien plus linéaire mais reste limité au tiers des 3 grands ensembles en 1800. Enfin, l’Amérique Latine semble avoir une évolution similaire à celle de l’Afrique, à noter l’effet pervers de la colonisation de ce continent : une forte récession vers 1600.

Intéressons-nous maintenant au PIB par habitant de ces mêmes régions, sur la même période (Figure 2, graphe de droite) : défavorisées par leur démographie les géants asiatiques ont une faible croissance de la richesse rapporté à la population, les africains reste au même faible niveau de richesse, alors que l’Europe de l’Ouest, après une période de déclin lors de l’âge sombre dû à la chute de Rome, connait une forte croissance de son PIB par habitant. L’impact de la colonisation sur l’Amérique latine est effacé de cette statistique par la diminution de la population de cette zone, diminution elle aussi causée par la colonisation.

Fig. 2 : évolution du PIB et du PIB/habitant de l'an 0 à 1860 sur différentes zones géographiques

Pourquoi l’Europe connait-elle cette forte expansion durant les 800 premières années du second millénaire ? 

Certainement un développement scientifique et technique sans précédent, mais aussi une organisation plus centralisée : la fin des proto-Etats apporte une stabilité sans précédente malgré les guerres incessantes entre les Royaumes. En Inde et en Chine certes les castes et la bureaucratie sont stables mais la richesse reste dans le secteur primaire contrairement à l’Europe où une proto-industrie se développe dès 1100, donnons un seul exemple de cette industrie naissante : l'arsenal de Venise.

(A suivre…) 


Source: 
(Angus Maddison)

5 commentaires:

  1. Il n'y a que deux séries de données avant 1400, c'est bof bof pour des interprétations.
    Pour moi, les premiers graphes ne veulent rien dire, il faut comparer grâce aux deuxièmes graphes présentant le PIB par habitant.
    En effet c'est les progrès dans l'agriculture (mécanisation, utilisation de produits chimiques) et la médecine générale et néonatale qui ont permis l'apparition d'une population gigantesque.
    Pour moi c'est cette immense population (qui est de plus en forte augmentation) qui pose problème. Il faut arriver à avoir une population stable, nourrit par sa propre agriculture et fournit en produit par sa propre industrie. Au niveau d'un pays, la population stable a de nombreux avantages notamment pour la gestion des retraites, des systèmes de santé, les productions industrielles, ...
    Ce système n'interdit pas les importations mais les limites (si et seulement si elles sont réciproques) aux produits "exotiques" telle que les bananes, le café, les terres rares, les vins, les fromages,...
    Bref une population stable qui vit seulement grâce à ses ressources.

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    1. Les deux valeurs disponibles avant 1400 ne sont effectivement pas suffisantes pour une interprétation fine, mais on ne peut pas remettre en cause la faible variation sur cette période ni l'impact de l'age sombre qui a la décadence de l'empire romain.

      L'explosion de la population mondiale est intéressante, mais on observe en Europe une explosion du PIB par habitant (donc décorrélée de l'augmentation de population). Cette augmentation de richesse brute est à mettre en lien avec les sciences, l'exploration, et l'industrie.
      Pourquoi seule l'Europe a profité de cette forte croissance ? Ce qui se passe aujourd'hui n’est il pas un re-équilibrage de la richesse ? C'est ce que je veux aborder dans un futur article.

      Par ailleurs, le Malthusianisme est intéressant car il est une solution qui fonctionne en théorie. Mais aucune population n'a su se contrôler jusqu'à présent. La régulation se fait historiquement par des prédateurs (inimaginable aujourd'hui pour l'homme) ou des catastrophes (naturelle, climatique, biologique...). Les chinois se sont essayé au malthusianisme, sans succès...
      Bref, je ne voit pas trop comment l'appliquer sinon en faisant appel au bon sens des populations.

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    2. La question du malthusianisme doit se gérer au niveau national. On s'intéresse à la France ou à un pays développé. On sait que plus le pays est développé, moins il y a d'enfant par couple.
      La question se régle donc presque d'elle même. Dans le cas où la population ne s'autoreproduit pas, il faut pouvoir accorder plus de demande d'asile et inversement. La question de l'immigration doit être géré de cette facon ET par la politique d'assimilation sans quoi le communautarisme s'installe dans le pays.
      Le cas de la surpopulation est plus délicat. Mais est à priori amené, si le pays se développe, à se régler par lui même. Seulement, un pays qui se développe, est un pays qui consomme et qui pollue ...

      L'observation des courbes démographiques montre qu'il ne faut pas avoir peur de la Chine puisque la politique de l'enfant unique existe depuis longtemps et n'a pas varié. Par contre, il faut s'inquiéter plus de l'inde qui n'a pas de politique démographique et dont la courbe de population montre une augmentation énorme chaque année.

      Je pense qu'une politique fiscal en faveur ou non de la natalité peut aussi influencer le taux de natalité.

      Dans tous les cas, la population mondiale ne pourra pas augmenté indéfiniment. Les ressources sont limitées.

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  2. La Chine a un taux de croissance de 10% depuis 10 ans (10ème rang mondial), contre un laborieux 1,5 % de moyenne (à la louche) pour la France (163ème rang mondiale). Pourtant si on parle de PIB par habitant, le classement s'inverse (France 36ème, Chine 121ème). La richesse d'un pays ne réside pas uniquement dans les chiffres de sa croissance et la croissance d'un pays ne rend pas toujours ses habitants plus riches (sans qu'ils ne soient plus malheureux d'ailleurs, question de culture). Si le PIB par habitant est souvent un indicateur de niveau de vie, il n'est pas nécessairement révélateur de la croissance réelle d'un pays, richesse acquise pour la France malgré une croissance au ralenti. En revanche, quand la croissance est faible, ce n'est pas tant la valeur et la répartition du PIB qui posent problème mais sa redistribution. En effet, le partage de la valeur ajoutée retourne prioritairement au secteur financier, le capital au capital, et moins équitablement à tous les acteurs de la croissance. C'est uniquement de là que naît en Europe le sentiment d'injustice sociale, alors que les chinois ne la ressentent pas (pour continuer la comparaison).

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    1. Je suis entièrement d’accord avec toi : ni le PIB ni le PIB par habitant n'est un indicateur parfait, tout comme le BNB cher au Bhoutan. Mais il a le mérite de permettre des comparaisons entre pays et populations.

      Tu soulignes très bien le fait que en période de croissance la population, riches comme pauvres, est collectivement heureuse alors qu'en période de stagnation économique les plus modestes souffrent, certes d'un manque de richesse, mais aussi, je pense, d'une pénurie d'espoir.

      C’est bien le rôle de l'Etat d'assurer une redistribution de la richesse qui ne laisse personne à l'écart, mais aussi d'apporter l'espoir d'une vie meilleure à tous. Dans ces deux domaines les derniers gouvernements ont faillit, seuls les candidats y réussisses.

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